Le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege a pour la énième réitéré son opposition face au déploiement à l’Est de la RDC, d’une force militaire régionale constituée des pays membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est.
Cette réaction intervient alors que le processus du déploiement a déjà été déclenché et que les experts de cette organisation régionale ont débuté l’étude du terrain depuis la semaine derrière.
« La Nation est en péril. Notre pays fait l’objet pour la énième fois d’une guerre d’agression par procuration, menaçant la souveraineté nationale et l’intégrité de notre territoire », a-t-il lancé dans sa déclaration.
Dans ce document, le Docteur Denis Mukwege s’est appuyé notamment sur les propos tenus en date du 13 juillet par Bintou Keita, représentante spéciale du Secrétaire Général de l’ONU en RDC mettant en garde le Conseil de sécurité contre un embrasement de la situation à l’Est du pays.
Selon lui, ce constat dressé par la cheffe de la Monusco est alarmant.
« La situation sécuritaire déjà fragile et volatile se dégrade chaque jour et les moyens alloués à la force onusienne, mandatée par le Conseil de Sécurité sur base du Chapitre VII, ne semblent pas être en mesure de contrecarrer ceux mis à la disposition du M23 par le Rwanda », a-t-il souligné.
Pourtant, dit-il, la résolution 2612 du Conseil de Sécurité fixant le mandat actuel de la MONUSCO, dont les priorités sont la protection des civils et la stabilisation, autorise un effectif de 13.500 militaires, 660 observateurs militaires et officiers d’état-major, 591 policiers et 1050 membres de police constituées.
Au-delà de ce partenariat multilatéral déjà complexe avec la Monusco, Mukwege a fustigé la signature par Tshisekedi, d’une coopération militaire bilatérale avec l’Ouganda depuis plus de 6 mois et, plus récemment, un projet de coopération militaire régionale avec les Etats membres de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est.
S’agissant de cet accord de défense et de sécurité entre la RDC et l’Ouganda signé fin 2021 et prolongé le 1er juin pour démanteler les rebelles du groupe Forces démocratiques alliées ADF, Denis Mukwege note que le nombre de victimes civiles est croissant selon un rapport du Groupe d’Etudes sur le Congo avec son partenaire de recherche Ebuteli et ce, en dépit de 2000 et 4000 militaires ougandais sur le sol congolais.
Ce rapport met également en lumière qu’outre la traque des ADF, qui est loin d’être achevée, des intérêts économiques, commerciaux et géopolitiques expliquent en grande partie l’intervention de l’armée ougandaise à l’Est du Congo.
« Ce contexte explique en grande partie la réactivation de la rébellion du groupe armé M23 par le Rwanda, qui déstabilise à nouveau le Nord Kivu et la sous-région, provoquant une nouvelle catastrophe humanitaire dans une région déjà martyre », regrette Denis Mukwege.
Pour lui, ces questions fondamentales ne trouvent que des réponses opaques car, selon le Prix Nobel de la Paix 2018, ces accords de coopération aux niveaux bilatéral et régional ont été peu transparents.
« A l’Hôpital de Panzi, qui malheureusement est devenu une sorte de baromètre de la situation sécuritaire à l’Est du Congo, nous avons observé qu’à chaque pic d’instabilité correspond un pic dans le nombre de femmes et de fillettes victimes de violences sexuelles que nous prenons en charge, et nous n’avons qu’une certitude: les femmes et les enfants seront à nouveau touchées, et seront les premières victimes de ce nouveau cycle de violence », a-t-il ajouté.
Il a aussi, réaffirmé que la réforme profonde des FARDC, de services de sécurité et la lutte contre l’impunité sont les mesures les plus appropriées pour assurer la pacification et la stabilité durable de l’Est de la RDC.